Anita Hugi marraine de la charte de SWAN sur la parité et l’inclusion

Vendredi, 10 novembre 2023, au bâtiment de la RTS à Genève, le GIFF Geneva International Film Festival a signé la Charte de SWAN sur la parité et l’inclusion, représenté par Anaïs Emery, directrice artistique et générale du GIFF, le président de la fondation du GIFF, Guerric Canonica, les membres du comité exécutif de SWAN Delphine Lucchetta et Katia Skia Durleman et la marraine de la charte, Anita Hugi.

Voici le discours prononcé par Anita Hugi à cette occasion.


Prendre la parole. 
Prendre la caméra.
Avoir une voix.

Notre langage nous rappelle, par les mots mêmes, combien il est important d’être visible, pour être présents. Pour exister. 

Je suis très heureuse et honorée d’accompagner, comme marraine, la signature par le GIFF, de la charte sur la parité et l’inclusion, ici et maintenant. Du GIFF, festival que j’aime tant pour son innovation, son ouverture, et son courage. 

Le changement a besoin d’énéergie, de vision, de courage – et de chiffres, 
qui nous visualisent le status quo. Et qui nous réveillent. 

La charte de SWAN est, à mes yeux, un des outils les plus forts et les plus simples pour faire avancer l’égalité et la diversité dans la créativité cinématographique en Suisse – dans toutes les étapes de la création d’une oeuvre, de la conception, écriture, réalisation, production, jusqu’à sa diffusion et sa médiation dans les festivals.

Où en sommes nous, aujourd’hui?
Avons-nous, en 2023, toujours besoin de tels outils?

L’observatoire européen de l’audiovisuel vient de publier, le 23 octobre 2023, le rapport actuel sur la situation de la diversité dans le cinéma européen. 

Et les chiffres montrent que l’initiative de SWAN et du GIFF pour la parité est nécessaire, urgente même.

Quelques chiffres clés: 

Seulement 26 % des films européens sont réalisés par des femmes. Soit un quart des films. Trois quart par des hommes. Cela vous semble-t-il suffisant ?

Le plus grand écart – la plus grande disparité – est observée parmi les cheffe-opératrices et les compositrices: seulement 11 % des long-metrages en Europe ont des femmes derrière la caméra. Un film sur dix! Qu’est-ce que cela signifie pour les nouvelles histoires que nous voulons raconter?

Pouvons-nous vraiment accomplir notre mission si dans les postes clés la diversité n’est pas garantie ?

Seulement dix pourcent des compositrices sont des femmes: l’émotion n’est-elle pas souvent portée, libérée ou étouffée par la musique dans un film? 

Ces chiffres seraient encore plus bas, s’il n’y avait pas le documentaire. Selon cette l’étude de l’Observatoire, le documentaire est le genre où les femmes sont le plus présentes, dans tous les métiers du cinéma.

Il est donc d’autant plus important qu’un festival comme le GIFF, qui donne une grande place aussi aux écritures sérielles et immersives, de vouloir se et nous rendre compte de la représentation des femmes dans les postes clés.

Les chiffres, les data, c’est un outil, pour moi, de prise de conscience.
Il ne s’agit pas de contrôle. Mais d’orientation, et d’incitation à l’action. 

De se rendre compte. 

La parité, la diversité, c’est pas une question d’émotion, mais de faits. Et c’est pourquoi j’aime le travail de SWAN, et que je suis honorée de l’accompagner. 

Data is key. 

Et ces datas nous aident à développer le futur, à le créer. 

Par exemple, à la HEAD, je souhaite particulièrement investir dans les femmes à la caméra, et soutenir aussi les productrices et producteurs dans leurs démarches et envies de diversité et de durabilité. Je suis persuadée que cela ont été et sont les écoles de Cinéma en Suisse qui ont accéléré l’égalité et la diversité.

Il faut de nouvelles approches, d’autre regards, de nouvelles manières de faire, dans cette industrie, et – les autres – ce sont aussi les femmes, comme les chiffres le montrent.

Les productrices sont avec 35 % les plus présentes, comme les monteuses images, à 33 %. Mais nous sommes – si on est honnête – qu’un tiers présentes dans ces rôles clés. 

La qualité appelle la qualité: 

L’étude de l’Observatoire nous dit également que dans les films qui sont réalisés au moins par une co-réalisatrice, le taux de participation des femmes dans les autres roles clefs augmente également. 

Il est nécessaire, aussi pour des raisons de renouveau des équipes et des buts de durabilité, d’activement soutenir la participation des femmes* dans tous les rôles clefs, et de viser les 50/50, si nous ne voulons pas avoir un backlash terrible. Je rêve d’un cinéma encore plus fort, plus riche, plus inspirants pour nous toutes et pour tous, garanti par la parité et de vrais partenariats entre hommes et femmes.

Parfois, ce sont de petites phrases qui nous marquent à jamais. 
Qui nous produisent des « déclics ». 

Une tel déclic, je l’ai eu en janvier 2021, en plein covid, lors d’un entretien avec des femmes réalisatrices suisses, que j’ai présenté à Soleure en collaboration avec la directrice du Musée national suisse. 

Nous avions convié des réalisatrices de différentes générations : les pionnières comme Gertrud Pinkus, Lucienne Lanaz ou Tula Roy, et celles qui les suivaient, telle Andrea Staka. 

Droit de vote, droit de filmer? C’était la question du débat. Et le constat fut simple: les réalisatrices dans les années 1970 ont commencé à filmer, malgrè toutes les contraintes, parce qu’elles ne se retrouvaient pas dans la représentation des femmes au cinéma. 

Elles ont commencé à réaliser parce qu’elle voulaient raconter leur histoires, de femmes, et partager leur sensibilité, leur vision des choses. 

C’est aussi simple que cela. 

Et c’est aussi simple que cela de comprendre que 26 % de réalisatrices dans l’industrie européenne, c’est une perte enorme. Pour la diversité. Pour notre génération, et celles de demain. 

Pour que cela change, nous avons besoin de nous en rendre compte. Et de passer à l’action.

Je félicite toute l’équipe de SWAN qui encourage ce changement. 
Qui l’accompagne et le précède. Et qui ne lâche pas. Bravo à vous toutes ! 
Cette liberté, elle m’inspire. 

Prendre la parole.
Prendre sa place.

Lors de la remise d’un prix que recevait, l’artiste suisse Meret Oppenheim a prononcé, en 1975 – l’année que je suis née, et qui était aussi l’année internationale des femmes de l’ONU – un discours qui est resté gravé dans ma mémoire, et mon coeur. Particulièrement une phrase. 

« La liberté, elle nous est pas donnée. Il faut la prendre ». 

Prendre la parole. 
Prendre sa place.
Prendre la caméra.

Raconter vos histoires. Partager vos espoirs, et désespoirs.
Favoriser la diversité, la collaboration, la durabilité.

Voici ce en quoi je crois. 

Hier, lors de la remise du Prix Humanité décerné à une alumni du département Cinéma de la HEAD, Tabarak Allah Abbas, pour son magnifique film de diplôme « Mawtini », la responsable de la culture et du sport au Canton de Genève, Isabelle Gattiker, a cité les mots de l’écrivaine américaine Toni Morrison, que je voudrais, à mon tour, partager, pour clôturer. 

Car malgré les chiffres de l’Observatoire européen sur la parité qui nous font comprendre que l’égalité, c’est encore loin. Continuons à agir. Comme Toni Morrison, dans « The Nation », l’a écrit :

« There is no time for despair,
no place for self-pity,
no need for silence,
no room for fear.

We speak, we write, we do language.
This is how civilizations heal. »  

Dans ce sens, continuons à encourager la diversité.
A prendre et à donner la place aux femmes dans le cinéma.

Website SWAN Swiss Women in Audiovisual Network
Website GIFF Geneva International Film Festival